L’OMS tire la sonnette d’alarme. Alors qu’une dizaine de villes Italiennes ferment des lieux publics et que plus de 700 millions de Chinois sont assignés à résidence, le Président décide de changer de ministre de la Santé en pleine crise du coronavirus.
Agnès Buzyn – alors ministre de la Santé et des Solidarités – tenait mercredi une réunion téléphonique avec l’ensemble des ministres de la Santé du G7. Le lendemain une nouvelle réunion était organisée en urgence pour discuter des différents scénarios et réponses possibles à l’épidémie.
Pressentie par certains pour remplacer Benjamin Griveaux elle déclarait au micro de France Inter vendredi : “Je ne pourrai pas être candidate aux municipales“ ; “Je n’y ai pas réfléchi“. Lucide sur la situation préoccupante de la crise sanitaire actuelle, la ministre souhaitait rester à son poste pour gérer au mieux l’épidémie. Mais après s’être entretenu avec le président de la République, elle a en l’espace de 2 jours changé d’avis.
Emmanuel Macron n’avait-il pas d’autre choix que celui de forcer la main à Agnès Buzyn qui avait clairement explicité son refus ? N’y avait-t-il pas d’autres candidats potentiels ? Le sénateur Julien Bargeton, les députés Sylvain Maillard et Mounir Majhoubi, mais également Antonio Duarte avaient pourtant manifestés leur volonté de reprendre le flambeau laissé par Benjamin Griveaux.
Figure importante de la macronie, Mme Buzyn semblait la plus à même d’éviter la débâcle de LREM dans la course à la Mairie de Paris. Cependant le Président une fois élu représentant l’ensemble des Français, l’intérêt de la Nation doit primer sur les logiques de parti. La bonne gestion de cette crise sanitaire mondiale est primordiale comme le rappelle l’OMS, la stabilité du ministère de la Santé aurait donc dû être une priorité du Président dans un souci de santé publique.
De plus cette volte-face éminemment politique ne peut qu’entamer un peu plus la confiance des Français en leurs femmes et hommes politiques. Si l’on est incapable de tenir sa parole plus de 3 jours, comment exiger des Français de croire une parole qui engage sur 5 ans ?
La désormais ex-ministre de la Santé et des Solidarités laisse un bilan mitigé derrière elle. Outre le passage de 3 à 11 vaccins, le déremboursement de l’homéopathie ou encore la montée du prix du paquet de cigarettes à 10 euros, elle a notamment accordé une reprise de la dette des hôpitaux par l’Etat soit 10 milliards d’euros, permettant une plus grande flexibilité budgétaire.
Elle a également accordé 1,5 milliards d’euros qui se matérialisent sous forme d’une prime de 800 euros aux 40 000 infirmiers et aides-soignants vivant en Île-de-France et touchant moins de 1 900 euros par mois afin de renforcer et d’accélérer le plan “Ma santé 2022” en réponse aux mouvements de contestations de décembre 2018.
Malheureusement elle n’a pas su résoudre la crise des hôpitaux, dont les personnels étaient à nouveau dans la rue vendredi 14 pour manifester leur amour pour l’hôpital public. Actuellement les heures supplémentaires des soignants ne sont pas rémunérées : la prime avait pour principal objectif de corriger ce manque à gagner. On estime à 2000 euros par personne et par an le montant des heures supplémentaires des infirmiers, soit 1200 de plus que la prime. De plus la rémunération des heures supplémentaires est défiscalisée et, contrairement à la prime, elle est comptabilisée dans la retraite. La revendication qui n’a pas été entendue par la ministre est donc claire : rémunérer les heures supplémentaires.
La ministre n’a pas non plus su empêcher la démission de plus de 100 chefs de service de leurs fonctions administratives, lassés de cette double logique de rentabilité avec d’une part la Tarification à l’acte (T2A) qui les incite à multiplier les actes pour obtenir plus de subventions l’année suivante et d’autre part la durée moyenne de séjour (DMS) qui leur donne une durée maximum d’hospitalisation des patients (souvent 4 jours) au-delà de laquelle ils se voient pénalisés financièrement. Ils sont donc incités à faire sortir les patients au plus vite du service, parfois sans avoir trouvé de solution adaptée pour leur retour à domicile.
La situation des urgences est également préoccupante. La cadence imposée aux médecins et aux internes relève presque de la maltraitance et les réformes de la ministre n’ont pas apporté de solution satisfaisante. Guillaume, interne à l’APHP témoigne :
“Ma garde aux urgences a débuté le samedi à 13 heures et s’est terminée le dimanche à 9 heures. J’ai eu seulement 30 minutes pour manger en guise de pause à minuit, j’ai donc travaillé pendant quasiment 20 heures d’affilées. Comment voulez-vous prendre correctement en charge un AVC ou bien un Infarctus du myocarde à 6 heures du matin dans ces conditions ? Malgré toute notre bonne volonté nous restons des êtres humains, le risque d’erreur induit par la fatigue est grand et ça en devient dangereux pour les patients.”
Beaucoup de dossiers attendent désormais Olivier Véran : la réforme des retraites, le deuxième passage des lois de bioéthique au Parlement, le grand plan sur la dépendance, le déficit chronique de la Sécurité Sociale, l’épidémie du coronavirus, le désengorgement des urgences, la revalorisation des salaires, la prise en compte des heures supplémentaires des soignants… La grève risque donc de perdurer.